"Japan Airlines, en grande difficulté, a été placée sous oxygène par le gouvernement japonais, qui a annoncé, vendredi 30 octobre, la création d'un comité spécial chargé d'encadrer le processus de restructuration de la première compagnie aérienne japonaise.
JAL va être renflouée à hauteur de 550 milliards de yens (4 milliards d'euros) sous forme d'annulation de crédits et d'émissions de titres. Environ 9 000 postes vont être supprimés, et 45 lignes déficitaires seront fermées. Les retraites du personnel, qui contribuent à près de 25 % de son endettement, pourraient être revues à la baisse.
Ce plan, jugé particulièrement drastique, et qui fera l'objet d'une proposition de loi présentée au Parlement début 2010, est à la hauteur de l'enjeu pour le Japon. "Si les avions de JAL arrêtaient de voler, l'impact sur l'économie serait très important. Ce n'est pas une société comme les autres", explique le ministre des transports nippon, Seiji Maehara.
Si JAL se retrouve aujourd'hui sous la tutelle de l'Etat, c'est que la compagnie fait figure de symbole national. "Sa création, en 1951, a coïncidé avec la fin de l'occupation américaine", rappelait, le 19 septembre, le quotidien de centre gauche Asahi. Elle avait "suscité l'enthousiasme. C'était un signe d'indépendance nationale."
L'histoire de JAL se confond parfois avec celle du Japon de l'après-guerre. Du temps de la forte croissance, la compagnie véhiculait dans le monde entier l'image d'un Archipel conquérant.
Kazuki Sugiura rappelle, dans son étude "JAL est tombée du ciel", qu'au moment de la création de sa première liaison transpacifique - en 1954, vers San Francisco, sur Douglas DC-6B - des bouquets de fleurs décoraient la cabine. Les sièges étaient recouverts de brocart de Kyoto. Les hôtesses assuraient le service en kimono. Populaire, la compagnie a inspiré plusieurs séries télévisées à succès.
Sur le plan commercial, l'entreprise, entièrement privatisée en 1987, et dont la qualité du service ne se dément pas malgré les difficultés, a su se développer au point d'être aujourd'hui numéro un en Asie. Les difficultés financières ont commencé en 1992.
Plans de relance désastreux
La compagnie japonaise a enregistré ses premières pertes, conséquences de la crise au Japon et aux Etats-Unis. Par la suite, affectée par la crise asiatique, les attentats du 11 septembre 2001 à New York, ou encore la guerre en Irak, elle n'a jamais pu redresser durablement ses comptes. Au contraire, les trois plans de relance initiés depuis 2000 se sont révélés désastreux sur le plan interne, au niveau des services techniques notamment.
Ils ont également mis en évidence une certaine responsabilité de l'Etat dans ces difficultés. Comme sa rivale ANA, JAL a dû se plier aux diktats des autorités, qui l'ont obligée à s'acquitter de taxes d'aéroport élevées, et à assurer des liaisons nationales souvent peu fréquentées, et donc pas rentables.
L'arrivée à la tête du groupe de Haruka Nishimatsu, en 2006, a permis de restaurer la paix sociale. Ce PDG, profondément humain, a gagné la sympathie des employés en venant travailler en bus, en mangeant à la cantine et en renonçant à une partie de son salaire. Sur le plan industriel, il s'est engagé à améliorer la rentabilité en réduisant la taille des avions, et à supprimer les lignes déficitaires.
Pas assez, pas assez vite, d'autant que la crise des subprimes a fortement affecté le secteur aérien, et annihilé les efforts consentis. Confrontée à une dette estimée à 1 518 milliards de yens (11,25 milliards d'euros), l'entreprise va par ailleurs travailler avec l'Initiative de redressement des entreprises (ETIC), une entité mise en place en octobre par le gouvernement.
Dotée de 1 600 milliards de yens (11,86 milliards d'euros) de fonds, elle peut garantir les dettes et assurer leur renégociation avec les organismes prêteurs. Un plan qui pourrait être celui de la dernière chance pour le pavillon national. "
Le monde